06 mai, 2007

Allégorie

  • « Madame, veuillez raconter à la cour dans quelles conditions vous et l’accusé vous êtes rencontrés.
  • Il était un ami de la famille. Cela doit dater d’il y a un quinzaine d’années.
  • Quel était son comportement alors ?
  • Comment dirais-je, il était sûr de lui, séduisant, agité, arrogant, plein d’ambition. A cette époque, mes amis et ma famille me taquinaient en me disant que, sans en avoir l’air et à sa manière, l’accusé tentait de me séduire.
  • Quels étaient vos sentiments à l’égard de l’accusé ? Je m’explique : éprouviez de la méfiance, du rejet ou de l’intérêt, ne serait-ce qu’amical ?
  • Ma foi, (rires gênés), pour moi, qui n’en était pas à mon premier prétendant, voir un homme annoncé la couleur dés la première rencontre, sans faux-semblants m’apparaissait original et audacieux.
  • Vous diriez donc qu’il s’agissait de curiosité plus que d’un réel intérêt.
  • Tout à fait Monsieur le Président.
  • Poursuivez je vous prie.
  • Malgré cette curiosité réciproque, nous nous brouillâmes quelques années plus tard.
  • Expliquez à la cour je vous prie.
  • Une sombre affaire de famille et d’héritage.
  • Vous deviez détestez l’accusé à ce moment là ?
  • Pas vraiment. Plutôt de la peine et de la pitié. Il m’évitait, c’était évident. Je ne faisais rien pour lui donner des raisons d’espérer. D’autant que quelques années plus tard, il est à nouveau revenu à la charge et a essayé de nous séduire moi et mes sœurs.
  • Et alors ?
  • Il était tellement maladroit et pataud, vulgaire aussi, que je lui ai lancé un message bien clair. Je ne voulais plus entendre parlez de lui !
  • Mais quand cesseras-tu de lancer des messages, pour très clair qu’ils soient et te décidera-tu à dire les choses franchement ?
  • Je, euh…
  • Maître, calmez votre client s’il vous plait. Poursuivez Madame je vous prie.
  • J’ai vraiment cru que le message était passé. Pendant plusieurs années, je n’ai plus entendu parler de lui. Vous savez, je n’allais pas bien à cette époque. J’étais souffrante. Je n’avais pas besoin de soucis supplémentaires.
  • N’est-ce pas l’époque à laquelle votre santé s’est aggravée ?
  • Oui, j’ai eu une tumeur. Près du cœur. Je me suis soignée.
  • Et l’accusé est à nouveau entré dans votre vie ?
  • Oui, Monsieur le Président. Me sachant malade, il s’est proposé de m’accompagner pendant ma convalescence.
  • Pourquoi ne pas lui avoir à nouveau lancé un ‘’message clair’’ ?
  • Je n’en avais pas la force. Et puis, il m’a promis qu’il avait changé et qu’il était près à attendre.
  • Avez-vous noté ce changement immédiatement ?
  • Non pas vraiment. Quand il venait me voir au début, il m’assurait qu’il m’aimait. Mais…
  • Mais ?
  • Il est très exclusif, vous savez. Dés que les enfants courraient dans nos pattes ou étaient un peu turbulents, il piquait des colères noires. Les plus grands ont vraiment été tenté de faire de grosses bêtises.
  • Vous enfants le rejetaient et vous continuiez à accepter sa présence sous votre toit ?!
  • Oh non, pas tous mes enfants. Ils ont chacun leur caractère. Sixtine et Paul-Antoine l’adoraient.
  • Comment expliquez-vous cela ?
  • L’accusé devait leur rappeler leur père...
  • Et vous ?
  • Je ne sais pas, je, enfin, j’étais souffrante et...
  • Mais vous aviez bien d’autres prétendant à cette époque ?
  • En effet. Mais je n’étais pas insensible au fait qu’il en vienne à négliger son travail pour moi. Je pensais naïvement que si les autres n’étaient pas si pressants, alors qu’ils s’attachaient à assurer mon avenir par leur travail, c’est parce qu’ils m’aimaient moins. Je suis peut-être fleur bleue, mais voir un homme qui néglige sa carrière pour me faire la cour, je trouvais ça très romantique.
  • Et les rares fois où il se rendait à son travail ?
  • Ses amis venaient me voir tous les jours. Plus pour me vanter les mérites de l’accusé que pour voir comment j’allais.
  • Et vous ne vous êtes pas méfiée ?
  • Non.
  • Poursuivez.
  • Plus le temps passait et plus je voyais qu’il avait changé.
  • Vous voyiez ou bien vous pensiez ?
  • Objection Monsieur le Président. Les supputations de la plaignante n’ont pas leur place dans ce prétoire !
  • Rejetée ! Poursuivez je vous prie.
  • Quelle importance de toute façon. Je me suis laissée berner.
  • Et vous avez cédé.
  • Oui. Je devais faire un choix. Et aujourd’hui je me sens stupide. Comment ai-je pu croire qu’il aurait changé ? A ma décharge, ses amis ont réussi à me faire oublié ce dont il était capable, lui trouvaient toujours des excuses et n’hésitaient pas à me montrer les mauvais côtés de ses concurrents.
  • Pourquoi ne pas être allé vous faire une idée vous-même ? Pourquoi avoir cru ces ‘’amis’’ que vous saviez être des gens à la morale douteuse ? Pourquoi avoir refusé de voir tous vos prétendants et de les écouter autant que l’accusé ? Pourquoi ?
  • Bien. Que s’est-il passé après que vous vous soyez offerte à lui ? Vous a-t-il battu ou maltraité de quelques manières que ce soit ?
  • Quoiqu’il fasse, il me disait toujours qu’il m’aimait… Et puis, il a commencé à me surveiller. Dés que j’allais voir des amis ou que je téléphonais à des membres de ma famille, il devenait suspicieux. Si j’écoutais de la musique, c’était trop fort. Si je voulais aller au cinéma, il m’accompagnait et nous devions voir ce que lui voulait et jamais ce que moi je voulais. Si je lisais le journal, c’était écrit avec les pieds. Si je lisais un roman, je perdais mon temps. Si je voulais faire une promenade à bicyclette dans le bois, il m’accompagnait encore et la promenade se transformait en course. Si je jardinais, il m’annonçait que de toute façon il comptait faire une grande terrasse et que c’était inutile que je me fatigue à tailler mes rosiers.
  • Il n’y a pas de quoi venir dans un tribunal ?
  • Quand même…
  • Poursuivez.
  • Non seulement je me sentais sans cesse sous surveillance, mais il m’a coupé les vivres aussi.
  • Comment ça ?
  • Ah ça, nous avions une belle voiture ! Et de beaux meubles ! Et la maison était bien protégée des voleurs et des intrus. Mais quand je voulais envoyer un peu d’argent à mes parents ou aux enfants, il me répétait que nous ne pouvions plus nous permettre d’entretenir toute ma famille. Et que les enfants étaient bien assez grands pour se débrouiller seuls.
  • Comment vos parents ont-ils réagi ?
  • Mes parents sont morts. Ils auraient pu être sauvés, mais le médecin est arrivé trop tard. Son cabinet était trop loin.
  • Et les enfants ?
  • Sixtine et Paul-Antoine ne m’ont jamais rien demandé. C’est leur père qui les aidait.
  • Et les autres ?
  • (Sanglots)
  • Et bien, les autres ?
  • Certains ont coupé les ponts avec moi. Ils me reprochent… Enfin, ils sont partis. Les autres, et bien les autres m’ont convaincue de venir ici. C’est par eux et pour eux que je suis ici. Aussi pour les autres qui sont partis, qu’ils sachent que malgré tout je les aime.
  • Et qu’attendez-vous de ce tribunal ?
  • Je voudrais retrouver ma liberté et me libérer de cet homme. Je voudrais vivre avec quelqu’un qui ne mentira pas, qui ne me surveillera pas, qui me laissera écouter la musique et voir les films que je veux, qui me laissera lire toute la nuit, qui aimera mes enfants comme s’ils n’étaient pas que les miens. Je veux redevenir celle que j’ai toujours été finalement.
  • Bien. La cour va se retirer maintenant. L’audience est levée. Celle-ci reprendra dans 5 ans. »

A bientôt.

2 Comments:

Anonymous Anonyme said...

L'exercice de diabolisation est inutile maintenant, c'est trop tard. Faut passer a autre chose ...

lundi, mai 07, 2007 3:37:00 PM  
Blogger Sebas said...

Ce n'est pas une diabolisation. C'est une allegorie.
Et il n'y a pas de diabolisation a dire que nous allons etre dans le tout securitaire et sans une thune pour les plus demunis.
Disons rdv dans 6 mois-1 an.

Et s'il vous plait, signez !

lundi, mai 07, 2007 5:17:00 PM  

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