30 novembre, 2005

Thanksgiving

Alors voilà, Thanksgiving est une fête extrêmement importante aux Etats-Unis. Que dis-je extrêmement importante ? C’est LA fête. Parce qu’elle n’a qu’une connotation patriotique. Pas de religion, pas de sexe, pas de race (les amérindiens m’excuseront…). Pas de problème de Christmas avec les chrétiens alors que les juifs font Hanukah et les autres rien du tout (ici on dit Winter break et non Christmas break pour ne pas froisser les susceptibilités). Thanksgiving est un mélange de Noël, du 4 juillet et de Yom Kippour : tous les étasuniens et apparentés s’aiment, se pardonnent, se remercient autour de la bannière étoilée, d’une dinde farcie, de bières au goût de flotte et d’un match de football télévisé. Le vendredi qui suit ce jour d’ingestion massive et d’indigestion logique est appelé le « black Friday » à cause des soldes monstres qui envahissent les grands magasins et surtout à cause des hordes de consommateurs qui se ruent dans les malls dés 5 heures du matin en quête de la bonne affaire, et ce malgré une gueule de bois non vernis.

Alors que l’an dernier je passai ce week-end prolongé vautré dans mon futon à siroter du thé et à préparer des cours, cette année je me décidai à bouger. Si je pouvais communier dans la farce et les tartes aux patates douces en plus de voir du pays, tant mieux.
Je suis allé voir ma cousine dans l’Illinois à une centaine de kilomètres de Chicago. Elle m’avait promis un Thanksgiving ricain, j’y allais d’autant plus ravi. Tout d’abord, sachez-le, je suis parti d’ici avec dans mes bagages un soleil de plomb et une chaleur estivale. A peine arrivé à Chicago, je suis rappelé à la dure réalité du mois de novembre par une rafale de vent glacé et des gouttes de neige fondue qui s’écrasent sur mes lunettes. Nous partons en direction de Rockford, la ville pourrie de ma cousine. Pourrie ? Un amoncellement de lotissements et de zones commerciales traversé de part en part par une quatre voies, entouré de champs de maïs et balayé par le vent du nord, j’appelle ça une ville pourrie ! L’appartement de ma cousine est néanmoins charmant et agréable malgré une déco des plus spartiates. En plus, il y fait chaud et ne souffre d’aucun courant d’air. Avantage supplémentaire, le lit de sa colocataire est hallucinemment confortable, surtout en __________de la susnommée colocataire (remplacer le blanc par « l’absence » ou « la présence » selon ce que vous voudrez croire…). Le lendemain matin, départ. Direction le Michigan, une petite ville nommée Holland, fondée par, ô surprise, nos cousins bataves. Les forces en présence : ma cousine Teresa et deux de ses amis espagnols de Rockford, Javi et Raquel. Je ne sais toujours pas chez qui nous allons. J’ai vaguement compris qu’il s’agit d’une amie de Javi chez qui il a vécu lors d’un précédent séjour dans l’Illinois. Après 5 heures de route, la traversée d’une partie de l’Indiana et un repas dans un restaurant d’autoroute où il vaut mieux afficher un bushisme de bon aloi, nous arrivons dans Holland en pleine tempête de neige et de blizzard. Le froid est si perçant que j’ai l’impression d’être plongé dans une baignoire d’azote liquide. La maison est, comment dirais-je, bordélique. A l’entrée une sorte de véranda où s’accumulent des boites et des cartons. On entre dans la maison en tant que tel sans vraiment encore y être. En face, des escaliers qui vont à l’étage où la maîtresse de maison loue des chambres. Une odeur de vieille moquette poussiéreuse m’attaque les muqueuses nasales. A droite, la enfin porte d’entrée de chez Lolita. Attention, nous ne sommes pas chez Vladimir Nabokov ! Lolita est une dame d’une 40-50taines d’années, fille d’un mexicain né au Texas et d’une pure Yankee. Bizarrement, son physique se rapproche plus de celui Pocahontas que de celui d’Eva Longoria. Elle est divorcée, elle a un enfant de 14 ans et en adopté deux autres.
Les deux adoptés sont frère et sœur. Le petit garçon a 7-8 ans et est plutôt mignon. Sa petite sœur a 4 ans et sans rompre un langage politiquement correct, est un légume. La mère avait une fâcheuse tendance à les secouer alors qu’ils étaient bébés et ça a été fatal à la gamine. Il ne lui reste que deux morceaux de cerveau de la taille d’une noix de cajou. Le nécessaire pour respirer sans assistance et digérer. Sinon, elle est nourrie essentiellement par sonde que Lolita lui prépare. Elle a néanmoins réussi à lui faire manger de la bouillie de légume (je l’ai vu !) et ça les médecins ne veulent pas le croire. Bref, couillue la Lolita !
Le papa Tex-Mex aussi est là. Pour que le tableau soit complet, il est quant à lui partiellement hémiplégique du côté droit. L’espace d’un instant, je me dis qu’à défaut d’être chez Nabokov, je suis chez Loach ou Zola. J’ai envie de retourner à LA. Il fait beau, chaud et je connais plein de riches en bonne santé. La chaleur de cette maison et l’odeur de la dinde ont raison de mes réticences. Ma troisième assiette de dinde agrémentée de purée et de sauce rouge (à quoi ? Mystère…) me font adopter par Lolita qui en ce point ressemble aux espagnoles. Le match de football nous est épargné, ainsi que la bière flotteuse (cette famille ne boit pas d’alcool…). Vautrés dans le canapé, nous sirotons du Fanta en testant les différentes tartes sucrées : pommes, noix, bizarre, cheese cake, truc. Raquel s’endort. Lolita nous raconte ses expériences en tant que famille d’accueil pour enfants maltraités (elle a adopté Noix de Cajou et son frère après les avoir eus chez elle). Et malgré son optimisme en la vie, sa générosité, Lolita me déprime. Ce devrait être le contraire, atténuer ma misanthropie grandissante et me redonner confiance en la nature humaine. Avec le recul, oui. Sur le coup, non. Je n’ai pas envie d’entendre les récits d’enfants battus, d’enfants violés, d’enfants nés accros à la drogue, d’enfants légumes. J’ai envie d’une clope. Je vais braver le vent et le froid par vice. Ma mièvrerie se termine quand je ne sens plus mes extrémités. Je suis revigoré. Ca va mieux. Une dernière tisane de cannelle pour aider à la digestion et me voilà dans un lit nettement moins agréable que celui de la colocataire de Tere…

Je ne sais pas si ce Thanksgiving était typique. Je ne pense pas que tous les Rednecks du Midwest sont ouverts et généreux comme Lolita. Mais l’an prochain, je sais que j’aurais toujours un endroit où passer le dernier jeudi de novembre…

A bientôt.

4 Comments:

Blogger chronik said...

Dis, au cours de ton séjour à Chicago, aucun chat n'est venu déposer le journal du lendemain devant ta porte, par hasard?... Bon, alors, elle y était ou pas la collocatrice dans cette confortable couche?

samedi, décembre 03, 2005 5:18:00 AM  
Anonymous Anonyme said...

Alors on nous fait du Fante? Décidemment, l'air de Los Angeles crée des vocations littéraires. Petite remarque: ton histoire de colocataire devrait être un peu plus développée, les détails nous manquent bien que tes silences soient parlant. Sinon, as-tu des nouvelles de Franck Leboeuf?
Pierre B.

mercredi, décembre 07, 2005 5:27:00 AM  
Blogger chronik said...

Ben, les détails, concernant la collocatrice, je crains fort qu'ils ne soient déjà inclus dans le texte... Au fait, "collocat", en créôle, devine ce que ça signifie...
Lebœuf est en Guyane.Quelqu'un a dû lui dire que c'était à côté du Brésil, et qu'il pourrait jouer au foot. Résultat, il fait la manche à Saint-Laurent du Maroni...

jeudi, décembre 08, 2005 9:21:00 AM  
Blogger chronik said...

A quand la photo avec Kobe ? Paraît qu'il est très abordable...

mardi, décembre 20, 2005 2:52:00 PM  

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