30 août, 2006

Et les Maures arrivèrent en Espagne.

Le maire, Antonio Villaraigosa

Le show ricain

Deux mois de silence ! Dieu que ce fut long de ne pas avoir vos commentaires acerbes et cinglants ! En même temps, j’étais pendant tout l’été avec une grande partie des lecteurs de cette modeste page. Alors pas de problème. D’autant, que cette page est là pour raconter mes aventures à Los Angeles et de manière plus générale aux Etats-Unis. Alors pas de résumé de mes vacances ni en photos, ni en mots. Nada.

Je suis de retour à LA. Dire que je suis revenu la fleur au stylo et le sourire aux lèvres serait mentir éhontement. Après les merveilleuses vacances que j’ai passées à revoir la famille, les potes et le pays, j’appréhendais beaucoup ce retour. Revoir les mongols, me taper les embouteillages, écouter France Inter avec 9 heures de retard (ou d’avance. J’ai le journal du matin en allant me coucher la veille au soir), j’en avais des palpitations.

Mais les années se suivent et ne se ressemblent guère. Aujourd’hui je suis en terrain connu ; je connais les erreurs à ne pas commettre ; les élèves me connaissent ne serait-ce que de vue ; il y a un suivi d’une année sur l’autre ; tout le monde, profs, administration, anciens et nouveaux élèves, sait à quoi s’en tenir.

La rentrée a eu lieu lundi dernier. J’étais détendu, positif, souriant, beau comme un Dieu (cela va de soi), je ne bafouillais pas mon anglais, je dirais même que me retrouver devant une classe et enseigner m’est devenu peut-être plus naturel en anglais qu’en français. Les élèves écoutaient, faisaient ce qu’il leur était demandé, posaient des questions pertinentes et repartaient avec le sourire en disant au revoir. Et oui, lundi soir j’étais euphorique. J’avais envie d’embrasser tout le monde et d’hurler que la vie est belle et que je fais métier formidable. Aujourd’hui, c’est encore meilleur.

Hier, nous voilà convoqués pour une réunion de dix minutes par le principal. Quoi encore ? Qu’est-ce qu’il nous fait chier ? On n’a pas assez de boulot en cette rentrée anticipée qu’il faut qu’il nous foute une réunion pas prévue le deuxième jour de classe. Alors ?

Avant de continuer, je vais expliquer succinctement comment fonctionne l’éducation à La et Californie :
La Californie est divisée en Comtes, chaque Comte en District. Nous sommes dans le LAUSD (Los Angeles Unified School District). Une catastrophe pédagogique et humaine. Des établissements de plus de 2500 élèves avec des gangs et de la violence quotidienne. Par ailleurs, chaque bahut (privés et publics) est noté et classé selon les performances (au California Standard Test) et l’assiduité de ses ouailles. Cette note s’appelle le API. Un gamin venant d’une école à haut API (800 et plus) a plus de chance de rentrer à la fac qu’un élève qui vient d’une école au API pourri (650 et moins). Pour couronner tout ça, le LAUSD donne peu d’argent aux quartiers pourris puisque de toute façon les gamins sont perdus !

Mon école est un Charter School. Une école gratuite, qui fonctionne avec des fonds publics (état de Californie, LAUSD) et privés (mécénat essentiellement) dont le credo est : petite structure (580 élèves en moyenne) et tout l’argent mis à disposition de l’éducation.

Ceci étant dit, je peux revenir à mardi dernier et à l’objet de la réunion. Les API scores venaient de tomber. Comparaison avec les 4 autres écoles de la charte. Bonne progression des campus de Inglewood (quartier des méchants noirs dans les films de Tarantino), d’Oscar de la Hoya (comme le boxeur. Sa fondation a énormément financé ce campus) et de Venice qui se retrouve tous au dessus de 700. Moyenne progression de Leadership, premier campus de la charte, mais nul. Et nous dans tout ça ? Le big boss faisait durer le suspense comme moi maintenant. Les anciens profs, nous nous regardions avec anxiété. Etait-ce une bonne nouvelle qui justifiait cette réunion ou une mauvaise ? Notre but initial était d’arriver à 704. Le principal avait promis de se faire la boule à Z si on atteignait ou dépassait ce score. La première année notre API était de 645. Cette année, il est de 711. Résultat exceptionnel ! On se serait cru à Houston un jour de lancement de navette. On s’embrassait les uns les autres. On gueulait comme des supporters ! Pour fêter ça, le fondateur de ces écoles nous offre une teuf et la virée en limousine vendredi en 8. Je promets de ne plus écrire mes mongols pour parler de mes élèves.

Aujourd’hui, la fête continuait. Le maire, Antonio Villaraigosa, venait faire un discours sur la réforme scolaire qu’il a entreprise à LA (virer le LAUSD, travailler avec la mairie et mettre en place des structures comme mon école. Des structures qui envoient 85% de la première promo d’Inglewood à la fac !). ABC, CBS, NBC, FOX étaient là. Le LA Times, les radios locales aussi. Grands show à la ricaine. Mes élèves de l’an passé étaient sur scène avec Tony. Grande fierté pour tout le monde. Voilà pourquoi j’ai la patate. Voilà pourquoi j’aime mon boulot. Et mes élèves ? Est-ce que je les aime ? Ils m’aiment déjà, alors si vous êtes assidus de ce blog, vous connaissez la réponse.

A bientôt.